DE NOUVELLES MAINS...
Après une bonne semaine de
vacances, nous reprenons le cours de nos aventures. Cet après midi, à la
bibliothèque de St Vincent, ils débarquent à cinq. Manquent à l’appel :
Xavier et Paul. Paul a cédé à la tentation d’une journée de skate. Xavier, je
ne sais pas. Joshua est là mais il a tennis et doit quitter le bateau à 16:45.
Eillisa est présente, très en forme. Trois nouveaux se sont greffés à
l’atelier : Léa – 12 ans et demi, me précise-t-elle fièrement – Mattéo,
qui doit lui aussi quitté la place avant 17:00, et Nicolas.
Dehors, une petite bruine
crachote par intermittence. Je préviens Paul, l’animateur du jour, que je
ferais un break d’un quart d’heure toutes les quarante cinq minutes. Avant d'attaquer, on fait la désormais habituelle photo de groupe. Cette fois-ci, Joshua accepte de ne pas me tourner le dos mais il fait la grimace. Résultat, il se retrouve dans la jointure de deux images rassemblées par le panoramique et le voici grimaçant et... déformé.
Je sors le paperboard et je
résume l’histoire telle que nous en avons décidé au cours de la première
séance. Personnages, lieux de l’action, meurtre, requins et… le fameux
cliffhanger. Léa a du mal avec ce concept. Eillisa le lui explique et pour
exemplifier, je décide de leur lire le premier épisode de mon propre feuilleton
que je mettrais en ligne après le leur. Alors que je commence la lecture, je me
rends compte que mon histoire n’est pas du tout de leur âge : un homme qui
suit une femme jusqu’à son hôtel ; du dehors, il l’observe et à la fin, il
pénètre dans la chambre pour la tuer. Hmmm… Donc, je résume rapidement les
évènements et j’en arrive à mon cliffhanger. Visiblement, Léa pige.
Avant de se lancer, je
propose, comme pour le premier atelier, de nous détendre les poignets en
faisant un petit cadavre exquis. « Un cadavre quoi ? » me lance
Léa. Joshua piaffe à coté de moi. Je lui laisse donc expliquer les règles de ce
jeu littéraire avant de saisir une page vierge. Deux tours de table plus tard,
je me retrouve avec une scène de ménage entre un rugbyman et sa femme. La
bataille du couple se rééquilibre au fur et à mesure de la rédaction mais je
suis obligé d’intervenir en fin de parcours pour expliquer aux aods qu’écrire
une histoire, c’est d’abord et avant tout faire attention à l’expression si on
ne veut pas faire fuir le lecteur.
Après retouches donc, ça
nous donne ça :
Sa femme dit :
« Non, tu ne vas pas avec tes copains,
tu restes ici, tu dois faire
le ménage.
tu as mis plein de miettes
sur la table, porc !
Quand je dis non, c’est non.
Donc tu restes là pour m’aider ! »
Le rugbyman fronça les
sourcils, pleura mais sa femme lui mit l’aspirateur entre les mains.
Elle pleura, puis pris
l’aspirateur et le lança dans la tête de son mari.
Le mari, vénére, lui balança
la carafe d’eau à la face.
La femme lui jeta les
couverts et lui dit : « Je m’en vais chez une amie ! »
Le rugbyman tomba alors à
genoux et lui dit : « Excuse-moi, je t’aime » ce à quoi sa femme
répondit : « Prouve-le moi en passant l’aspirateur sans faire de
commentaire. »
Bien. Je ne sais pas si
notre « Crime à Miami » n’est pas en train d’infuser dans leurs
esprits. On va vite le savoir. Après une pause et une éclaircie météorologique,
on se met au boulot. Pour Léa, Mattéo et Nicolas, c’est d’abord un peu
compliqué de rester dans le cadre déjà décidé précédemment. Mais ils
finissent par s’y faire et découvrent qu’il y a pas mal de choses à en tirer.
Nous avions laissé Mike et Eva découvrant, après le passage d’un ouragan, le
corps de leur ami John dans leur piscine. Le problème, c’est que Mike a
pourtant pris soin d’aller balancer son cadavre dans l’océan, à proximité des
requins…
A partir de là, ça commence
à fuser et il me faut contenir l’affaire jusqu’à épuisement. Cet épisode doit
mettre en scène les interrogatoires de Mike et d’Eva, et surtout, dévoiler qui
est réellement Mike. Donc peu d’action, beaucoup de bla-bla. De temps à autre,
Mattéo, le plus discret de la bande, tente quelques propositions au milieu de
brouhaha, et fait souvent mouche. Léa, elle, fait montre d’un esprit critique
plutôt affuté, nous reprenant sur des constructions de phrases qui ne lui
plaisent pas. Quant à Nicolas, il nous regarde d’abord avec de grands yeux
avant de se prendre au jeu. Rapidement, les feuilles mises à leur disposition
pour s’exprimer se remplissent de dessins. Si ça continue comme ça, je me dis
qu’on va finir avec une BD.
Voilà, on met le point final
à ce chapitre et je relis. A la fin, Léa tique. « Pourquoi on continue
pas ? » me lance-t-elle, déçue. Je lui explique alors que ça y est,
on a écrit la fin du chapitre, avec son cliffhanger qui va donner envie au
lecteur de lire le prochain épisode et qu’on doit s’en tenir là. Mais
apparemment, ça ne passe pas bien. Amusant, non ? Même en tant qu’auteur
de l’histoire, elle est déjà impatiente de connaître la suite…
A 17:30, je clos la séance
avec un nouvel épisode au compteur.