GO !
Premier jour de rédaction, premier épisode. Eilliza,
Xavier, Paul et Joshua arrivent à l’heure, avec Audrey, leur animatrice. Le
temps est encore plus beau qu’hier et je me dis qu’il va falloir aménager des moments
de pause plus longs et plus réguliers : le skate parc voisin sent la
concurrence déloyale. Mais la bande semble animée de la même verve qu’hier. On
enclenche les hostilités sans tarder.
Je décide de prendre les commandes du clavier et de
jouer les dactylos pour faire avancer l’écriture. Nous avons 4 heures pour
sortir le premier opus de notre histoire, autant leur économiser le dur labeur
de la rédaction. Il va juste falloir leur faire sortir des phrases. Je replante
le décor décidé la veille : une villa sur le bord de mer de Miami –
où à Miami ? nous n’avons pas décidé, mais la ville du vice est un lieux
imaginaire et personne n’ira vérifier – deux copains d’enfance qui vont solder
un lourd contentieux et une suite de péripéties amenant à une conclusion en
cliffhanger donc.
C’est parti.
Un salon de nuit, deux hommes, une arme à feu. La
première scène est pondue en deux temps trois mouvements. Une balle, du sang.
Le petit quatuor me sort quelques phrases pas piquées des hannetons – il faudra
que je m’intéresse de près à l’origine de cette expression. Eilliza, notamment,
conclu ce brillant début par un magnifique « Les larmes montèrent aux yeux
de Mike, pleins de haine et de honte. »
Pause. Ils s’envolent vers l’extérieur, Paul fait des
trucs casse-gueules avec son skate, ça hurle, ça court, ça se défoule. De mon
coté, je sors une chaise à l’extérieur et je poursuis la construction du blog
sur lequel les épisodes et ce journal de bord seront consignés tout au long de
la résidence.
Retour autour de la table. J’ai besoin de prendre des
photos pour agrémenter le site. Joshua se déclare depuis hier « phobique
des photos ». Je tente un panoramique dans lequel il me tourne obstinément
le dos. One shot, je n’ai aucune raison d’insister. Juste choper l’instant
présent tel qu’il est. Trois demi-sourires – dont celui d’Eilliza complétement
déformé par le mouvement de l’appareil photo – un dos, à gauche cadre Sandrine,
la bibliothécaire, à droite cadre, Audrey, l’animatrice très participative
aujourd’hui. Ok !
Les trois heures suivantes voient se construire l’histoire
avec un amollissement général très palpable vers la fin. Je fais mon possible
pour que tout ça reste ludique, même la fatigue. Et ça marche. A 17 :00,
nous avons notre premier épisode tel qu’il a été pensé la veille. On le relit,
on discute des deux ou trois phrases un peu de guingois – Joshua refuse
catégoriquement l’expression « au pire » et lui préfère
« sinon », je ne discute pas – et c’est réglé.
Dernière missions avant le fin : trouver un titre
à l’histoire. Personnellement, je pense à « Ouragan » depuis hier.
Mais je me suis promis d’intervenir le moins possible dans leur choix. Eilliza
voit un truc très romantique du genre « Une histoire de cœur » sous
prétexte qu’il y a une affaire d’amour derrière l’intrigue. Les garçons font
bloc pour réfuter l’idée mais n’ont pas mieux à proposer. Je place quand même
« Ouragan» histoire qu’il puisse y avoir un outsider. Paul pige :
l’ouragan, c’est ce qui va faire dérailler le plan du héros. Eilliza revient à la
charge avec « Un cœur en sang ». Classe, s’exclame Paul. Mais Joshua nous
grille la priorité : « Crime à Miami ». Succès immédiat.
Eilliza, Xavier, Paul et Joshua repartent en laissant en
plan les pages sur lesquelles ils ont griffonnés des dessins, des mots, des
bouts de phrases, bref, de la matière. Seule interrogation : seront-ils là
dans quinze jours ou y aura-t-il un tout autre groupe qui reprendra les rênes
de cette histoire ? Joshua m’a déjà averti qu’à la rentrée, le mercredi,
il aurait tennis à 16 :00. J’ai négocié avec lui qu’il soit présent au moins
en début de séance. Ou comment faire en sorte que le sport cesse d’être un
concurrent déloyal à la culture.
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