Entre le 15 avril et le 28 mai 2014, la Médiathèque départementale des Landes m'invite en résidence et me confie les rênes d'un atelier d'écriture pour les adolescents de St Vincent de Tyrosse.

A l'hiver 2021, on renouvelle l'expérience, cette fois avec une bande de Parentis et des écrans d'ordinateurs interposés

Le but est toujours le même: leur faire écrire un feuilleton policier. Avec un petit défis en plus: ce coup-ci, ce sera chacun chez soi...

Des ado entre 14 et 17 ans, cinq épisodes publiés sur cinq semaines, à lire ici en ligne ou à télécharger sur vos tablettes, ainsi que le journal de bord des ateliers.

L'imagination d'une bonne petite bande d'écrivains aux commandes...


Sébastien Gendron

Journal de bord # 1er jour: mardi 15 avril 2014


PRISE DE CONTACT

Ils sont quatre à débouler dans le calme de la petite bibliothèque Gabriel Fauthoux de St Vincent de Tyrosse. Il fait doux, le soleil tape sur les vélux et je me dis que ces adolescents préféreraient peut-être, à cette heure, faire du skate que de plancher pendant quatre heures sur le projet que je m'apprête à leur proposer: écrire un feuilleton policier à plusieurs mains, en cinq épisodes pendant cinq semaines.

Erreur de jugement. Après un rapide tour de table, il apparait qu'Eilliza, Xavier, Paul et Joshua se voient à peu près tous comme des écrivains en herbe. Je veux voir ça de plus près et je leur demande de me rédiger, sur un temps donné, un petit texte. Aucun thème imposé, juste ce qui leur passe par la tête. Vingt minutes plus tard, Paul et Joshua me lisent chacun une micro histoire qui commence par "Il était une fois" quand Eilliza et Xavier narrent un souvenir de vacances. Aurait-on là deux groupes distincts?
Pour le savoir, je lance un second jeu. Puisque le but de cet atelier est d'écrire la même histoire à plusieurs mains, tentons un cadavre exquis ouvert - le premier participant écrit une première phrase et la passe à son voisin qui écrit la suite, qui la passe à son voisin, etc. Je décide d'entrer dans la boucle juste pour compliquer un peu le texte. Et, au bout de trois tours, on arrive à ce texte surréaliste - les retours à la ligne désignent les changements successifs d'auteurs :



"Hier, Pierre est parti acheter des cacahuètes et il a rencontré Jules.
Il partagea les cacahuètes avec Jules.
Mais Jules n'était pas d'accord donc, il lui vola les cacahuètes
et Pierre le poursuivit jusqu'à chez lui.
Mais, en arrivant, il trouva la porte fermée et décida d'entrer par la fenêtre.
A l'intérieur, il trouva plein de cacahuètes tombées sur le sol.
Ca signifiait que Jules aimait les cacahuètes.
Normal, puisqu'au début, il devait les partager avec Jules, et soudain
Il aperçut Pierre qui rentrait chez lui et
Se rendit compte qu'il était accompagné d'un étrange lapin bleu qui tenait entre ses pattes avant un révolver.
Le lapin lui braqua le révolver dessus. Il sentait sa dernière heure arriver.
Soudain, un homme plaqua Pierre pour le protéger
Et la planète explosa, plus aucune vie
Selon les ressources extraterrestres.
Mais quelque part dans une lointaine galaxie, il y avait une planète toute petite nommée Bunny Star. C'est sur cette planète qu'en fin de journée, le vaisseau du lapin bleu atterrit, de retour de sa mission, avec plein de cacahuètes dans son coffre."


Éclat de rire généralisé, pause skate board de dix minutes et retour à la table de travail.
Maintenant, il s’agit de décider d'une histoire à raconter et de mettre en place le plan de nos cinq épisodes. On est là pour écrire du polar et le petit groupe est solidement avisé des codes du genre. Les idées se mettent à fuser sans même que j'allume la mèche. Désolé pour les Landes, mais il est immédiatement décidé que l'intrigue se déroulera à Miami (après avoir successivement éliminé Chicago, Los Angeles, Brooklyn et Londres - au grand désespoir d’Eilliza). L’intrigue tient en très peu de mots: un homme tue son meilleur ami pour des histoires de cœur et tente de faire disparaitre son cadavre – vous comprendrez qu'à cette heure, je ne peux pas en dire davantage sans risquer de dévoiler les rebondissements de l’histoire. On enchaine sur le plan des trois premiers épisodes et je leur demande de trouver pour chacun d’entre eux une fin qui donnera envie au lecteur de lire la suite – ce qu’en terme de narration, on appelle le cliffhanger, soit littéralement « l’homme accroché à la falaise », c’est-à-dire ce personnage qu’on laisse en position dangereuse avant de clore le chapitre. Ils pigent très vite l’intérêt de cette technique et la fin de la séance est occupée par la recherche de toutes sortes de misères à faire subir aux protagonistes de notre histoire.
Je les chasse à 17:30 en leur demandant de laisser tout ça infuser jusqu’à demain.
Parce que demain, on se jette dans le bain et on rédige le premier épisode…

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