Après avoir quitté l’aéroport de
Bimini Island à bord du Piper 140 qu’il venait de voler, Mike Anderson fila
jusqu’à Porto Rico. Là, il se posa pour faire le plein de l’appareil – un
bakchich avait suffi à endormir la méfiance du pompiste. Puis il redécolla à
destination de Caracas. Il atterrit sur une piste abandonnée au nord de la
capitale vénézuélienne et rejoignit l’aéroport international Simon Bolivar afin
de trouver un vol long courrier qui le conduirait le plus loin possible du
continent américain.
La
première destination qu’il vit sur les écrans fut Lisbonne, Portugal. Il acheta
un billet immédiatement et une heure plus tard, il était assis dans un Airbus
A350. Hors de danger, soulagé, il se relâcha d’un coup et s’endormit avant même
l’arrivée des plateaux repas.
Mike
s’installa dans un hôtel du quartier d’Alfama, et la première chose qu’il
décida de faire enfin, fut d’aller à l’hôpital Santa Maria faire soigner sa
fesse. Il y resta trois jours en observation et passa plus de deux mois sur le
sol portugais.
Ensuite,
il chercha une nouvelle destination, prit une voiture et commença à remonter
vers le nord. Il passa l’Espagne et entra en France. Fan de surf dans sa
jeunesse, il avait entendu parler des plages landaises. Il mit donc le cap sur
Hossegor.
Mike
Anderson disparut des écrans radars pendant près de deux années. Mais sa
retraite ne dura pas plus. Chaque jour, l’absence d’Eva, le meurtre de John,
l’éloignement de son pays natal le rongeaient. De plus, il sentait que quelque
chose dans cette histoire ne collait pas et il devait comprendre quoi.
Retrouver
Eva Sullivan fut pour Mike un vrai défi. Il découvrit par internet, qu’elle
avait quitté la Floride et s’était installée à Los Angeles. Il réussit même à
se procurer son adresse. Il n’y avait qu’une chose qu’il ignorait et il la
découvrit le jour où il s’introduisit dans le salon du 1229 West Paseo del Mar.
Les larmes
lui montèrent aux yeux lorsqu’il découvrit cette villa qui ressemblait beaucoup
à la leur, à Miami. Mais le pire n’était pas là. Le pire, ce fut de découvrir
que Eva s’était mise en ménage avec le détective James Thompson.
Il
les trouva, tous les deux, en train de prendre leur déjeuner, tout juste vêtus
de leurs pyjamas.
Lorsqu’elle
aperçut Mike, Eva poussa un cri de stupeur. Thompson bondit sur ses pieds.
Mike, lui, leva son revolver pour les calmer. Un silence de mort tomba
aussitôt. Mike le brisa en demandant :
—
Je veux toute la vérité, maintenant !
Eva
et James se regardèrent pendant un long moment. James se lança :
—
Écoute, Mike…
—
Ta gueule ! le coupa brusquement Mike. Laisse-la parler, elle.
Eva
ne put retenir ses larmes d’angoisse et elle commença son récit :
—
Mon histoire avec John, c’était du flan. Lui, ne le savait pas, il croyait que
c’était sérieux.
—
Quoi ?! s’écria Mike.
—
Je l’ai manipulé. Je savais que si tu découvrais notre liaison, tu le tuerais
sans pitié. Oui, Mike, tu es tellement jaloux que je savais que tu n’hésiterais
pas à tuer même ton meilleur ami. Et c’est exactement ce que tu as fait !
Mike
se sentit débordé par la culpabilité. Il faillit même s’effondrer. Mais pour se
redonner un coup de boost, il demanda :
—
Mais enfin, pourquoi t’as fait ça ?!
Eva
tourna alors son regard vers le détective Thompson. Celui-ci se redressa et
déclara à Mike :
—
Mike, je suis tombé amoureux d’Eva dès le premier jour où je l’ai vu. Je n’ai
pas tout de suite compris qu’elle était ta femme. Mais même si je l’avais su,
je n’aurais pas pu résister à sa beauté.
Mike
tendit le revolver vers James et hurla :
—
Je t’ai dis de fermer ta gueule, fils de chienne ! Eva, je veux t’entendre
raconter la suite.
Eva
bégaya :
—
Je… je… j’étais incapable de te quitter. Je savais que tu réagirais très
violemment. J’ai donc décidé de monter toute cette histoire pour que James et
moi puissions vivre en paix, sans que tu représentes un danger.
—
Tu veux dire que tu espérais que je tues John pour finir sur la chaise électrique
?! hurla Mike. Mais tu es diabolique !
Eva
baissa la tête. James l’imita. Tous deux étaient pétris de honte. Mike, lui, se
croyait en plein délire tellement ce récit paraissait horrible, fou, en un mot :
inimaginable. Il avait tué son meilleur ami pour rien. Enfin si ! Il l’avait
assassiné pour permettre à Eva et James de vivre ensemble. Il avait tout
perdu : son travail, John, sa femme, une fesse et plus que tout, sa
dignité, pour ce projet démoniaque.
Il
était revenu aux USA pour connaître la vérité mais ne s’était pas attendu à de
telles révélations. La seule chose qui lui semblait maintenant envisageable,
c’était de se venger de tout ce gâchis.
Et pour
ça, il devait se montrer impitoyable.
Mike
Anderson redressa son revolver et le pointa sur Eva. Il arma la détente et
glissa son index dans le pontet. James se leva pour se placer devant elle. Mike
se dit qu’ainsi il pourrait tuer les deux en même temps. Alors qu’il allait
appuyer sur la queue de détente, il entendit un cri en provenance du fond de la
villa. C’était un cri de bébé.
Aussitôt,
Mike Anderson perdit toute sa volonté. Il regarda le couple d’un œil désespéré
et éclata en sanglot. Il entendit à peine Eva prononcer :
—
C’est Flynn, Mike. Il a trois mois. S’il te plait…
Mike
quitta le territoire des États-Unis le jour même et sans encombre. Le
surlendemain, il était de retour en France, dans les Landes où il s’installa
définitivement. Il vit aujourd’hui, sous un autre nom, à Hossegor.
FIN
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