Entre le 15 avril et le 28 mai 2014, la Médiathèque départementale des Landes m'invite en résidence et me confie les rênes d'un atelier d'écriture pour les adolescents de St Vincent de Tyrosse.

A l'hiver 2021, on renouvelle l'expérience, cette fois avec une bande de Parentis et des écrans d'ordinateurs interposés

Le but est toujours le même: leur faire écrire un feuilleton policier. Avec un petit défis en plus: ce coup-ci, ce sera chacun chez soi...

Des ado entre 14 et 17 ans, cinq épisodes publiés sur cinq semaines, à lire ici en ligne ou à télécharger sur vos tablettes, ainsi que le journal de bord des ateliers.

L'imagination d'une bonne petite bande d'écrivains aux commandes...


Sébastien Gendron

Journal de bord #4 - mercredi 7 mai 2014


ET DE 3 !


Ma petite bande d’auteurs de polar en herbe débarque en ordre fractionné. Premier et en avance, Matteo prend place d’autorité à mes cotés. De retour parmi nous, Xavier arrive en second. Dans les cinq minutes qui suivent, le reste du bataillon entre à son tour : Eiliza (dont j’orthographie enfin correctement le prénom après quatre séances), Nicolas, Paul (pas de skate aujourd’hui ?) et un nouveau dans l’équipe : Francisco, 12 ans. Absences notables du jour : Léa et son esprit critique ; Joshua et son speed créatif.

 

Aujourd’hui, pas de temps pour un jeu littéraire d’introduction et à peine pour le panoramique de groupe. D’un, il faut expliquer à Francisco l’étendue du projet Miami ; de deux, Xavier a dentiste à 16 :00, Matteo, pala à 17:00 ; de trois, j’ai un train à Dax à 18:00 ; de quatre, un journaliste envoyé par le Conseil Général doit venir tourner un reportage avec interview de tout le monde, ainsi qu’un photographe ; et enfin cinq – et pas des moindres – on doit tricoter le chapitre 3 des aventures criminelles de Mike Anderson. 

Donc, une fois qu’on a éclairé Francisco sur les règles du jeu et qu’il a intégré le principe du cliffhanger, je passe derrière le clavier et je lance les hostilités.
Le moteur du groupe ne tarde pas à se mettre en route. Et, je le note, avec encore plus de motivation que les fois précédentes. Certainement parce que pour certains d’entre eux, les réflexes sont bien acquis. Toujours aussi calme, Matteo souffle ses propositions au milieu des idées criardes de ses cama rades. Francisco n’est pas en reste. Je les pousse dans leurs retranchements, les forces à finir de décrire une situation avant de passer à la suivante. Exemple probant d’une précipitation très compréhensible : quand deux hommes sont interpellés par un troisième qu’ils n’ont pas vu, ils ne répondent pas en lui tournant le dos mais font volte-face pour savoir qui leur parle. J’endigue un peu leur excitation, c’est vrai, mais je n’oublie pas l’aspect pédagogique de mon atelier : on s’amuse mais dans les règles d’une narration exigeante. Et puis je reste très vigilant sur le champ lexical. Depuis le début, je me rends compte que ces gamins possèdent un vocabulaire bien plus étendu qu’ils ne l’imaginent. A force de lire, de regarder la télé, d’écouter les adultes, ils ont un vrai dico dans la tête mais n’en utilise qu’un trop petit volume. Je les oblige donc à me fournir des expressions, des synonymes, des prépositions qu’ils ont enregistré mais n’utilisent que trop rarement. Souvent, je leur dis qu’il n’y a rien de plus moche dans un texte que les répétitions. Alors, on part en cordée à la recherche du bon mot. Pour détendre l’atmosphère, de temps à autre, je leur autorise une bonne grossièreté au détour d’un dialogue.
Après tout, on est dans le polar et puis dans la vraie vie, personne ne s’exprime comme Mme de Lafayette – et certainement pas des flics.
Entre les pauses régulières, les interventions du journaliste, les trouvailles drolatiques, on arrive à mettre un point final à cet épisode 3 dont le rebondissement final, tout classique soit-il, est une bonne trouvaille.
Quand l’heure sonne, l’effectif est réduit de deux auteurs. Je refais lecture de notre chapitre, je leur demande s’ils sont contents d’eux, ils le sont et ils ont raison. On tient bien le rythme. Alors, comme tous les mercredi, je leur lance ma réplique préférée :
    — Allez, dégagez maintenant, bande de nains !
Ils se marrent et filent. Les ados, c’est quand même vachement bien. 


Sébastien Gendron






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